Colloque panterritorial sur l'ÉDI jour 2 : réinventer le leadership et déconstruire les stéréotypes du Nord

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  • Diversité et inclusion

Cette deuxième journée, animée depuis le Yukon, a offert une plongée dans les réalités du leadership inclusif en contexte nordique. 

La falaise de verre ; le leadership au-delà du plafond 

Paige Galette (elle), consultante et éducatrice communautaire établie de renommée nationale, a amorcé la journée avec une conférence percutante sur la « falaise de verre », concept qui va au-delà du plafond de verre en illustrant les obstacles supplémentaires rencontrés par les personnes leaders issues de la diversité. Son intervention a ouvert des discussions cruciales sur la résilience et les stratégies d’empowerment. 

« Les politiques de neutralité, ou encore l’aspect de neutralité, veulent aussi dire que quand tu passes la porte au travail, tu laisses ton identité derrière. Donc en pratique, on ne peut pas vraiment imposer la neutralité et dire qu’on respecte les politiques ÉDI. » - Paige Galette

Point forts

Le backlash sur soi. La conférence a mis en lumière l'impact émotionnel et psychologique des obstacles systémiques rencontrés par les personnes issues de la diversité en position de leadership.  

  • Traumatisme racial et lassitude liée à la bataille raciale : beaucoup se retrouvent seules et méfiantes face aux dynamiques de pouvoir en place.
  • Incapacité à diriger avec un état d’esprit clair : le stress constant affecte la prise de décision et la confiance en soi.
  • Toujours appelé à éduquer plutôt qu’à exercer son rôle : l’attente implicite de pédagogie et de sensibilisation devient un fardeau supplémentaire.
  • Baisse d’estime de soi : le doute sur la légitimité de sa position persiste (« Est-ce que j’ai vraiment mérité ce poste ou est-ce un piège? »).
  • Colère, ressentiment et anticipation des prochains défis : la peur que de petites erreurs soient amplifiées crée une pression constante. 

Le backlash en milieu de travail L’analyse des conditions de travail dans les espaces institutionnels et professionnels du Nord a révélé plusieurs barrières systémiques : 

  • Invisibilisation d’un climat toxique

    « Si nous ne le voyons pas ou ne le signalons pas, le racisme (systémique) ne nous concerne pas. »
  • Racial gaslighting (décervelage racial) : la minimisation des expériences vécues par les personnes racialisées entraîne un isolement accru.
  • Faible rétention du personnel racialisé et marginalisé : très peu souhaitent prendre la relève, craignant de subir les mêmes dynamiques oppressives.
  • Méfiance envers les démarches ÉDI : lorsqu'elles ne sont pas accompagnées de changements concrets, ces politiques peuvent être perçues comme des outils de marketing plutôt que des engagements sincères. 

« Si vous avez une équipe en burnout, vous n’avez pas d’équipe. Et dans le Nord, tout le monde se suit, tout comme le burnout. On n’a pas le goût de s’impliquer dans une communauté toxique. » - Paige Galette

Construire un leadership inclusif et durable 

Un message clé de cette journée a été l’importance d’un leadership collectif et inclusif. Plutôt que de placer toute la responsabilité sur les épaules des individus issus des minorités, il est nécessaire d’adopter des pratiques structurelles solides. Quelques recommandations ont émergé : 

  • Réviser les politiques internes et les considérer comme des documents vivants qui doivent être continuellement appliqués et adaptés.
  • Arrêter d’embaucher des personnes racialisées uniquement en période de crise et leur offrir des opportunités d’avancement durable.
  • Assurer un droit d’expression aux personnes marginalisées sans exiger qu’elles se conforment à des normes rigides et excluantes.
  • Offrir du mentorat pertinent, avec des modèles de leadership qui reflètent la diversité des expériences et parcours.
  • Reconnaître et valoriser différents styles de leadership, plutôt que d’imposer une vision uniforme du succès. 

Un appel à l’action collective

L’intervention de Paige Galette a mis en évidence la nécessité de dépasser les simples engagements symboliques en matière d’ÉDI. L’inclusion ne doit pas être une posture temporaire ou marketing, mais un engagement ancré dans les pratiques organisationnelles. 

Paige Galette possède une solide expérience en matière de gouvernance, de politique et de relations employeur-employé, tout en utilisant des cadres anti-oppressifs, antiracistes et de renforcement de l'équité. Elle possède plus de 15 ans d'expérience dans des rôles de direction au sein de conseils d’administration d’ONG. Paige Galette a été publiée dans le Toronto Star, le best-seller national Until We Are Free : Reflections on Black Lives Matter in Canada, The Monitor, Francopresse, Briarpatch et a été chroniqueuse bihebdomadaire pour l’émission Panorama (Radio-Canada).  

Romantiser le Grand Nord : regard sur un fantasme colonial 

Véro Lachance (iel), artiste de scène et éducateurice, a abordé la représentation idéalisée du Nord et ses impacts sur les communautés locales. Ce regard critique a permis de revisiter les récits dominants et de mieux comprendre comment bâtir un leadership respectueux des réalités nordiques. 

« Dans la culture du plein air ou de la vie en cabane, on voit souvent des personnes majoritairement blanches et privilégiées considérer le territoire comme un terrain de jeu, un défi excitant et risqué, une façon de se surpasser ou une opportunité de reconnexion avec soi-même. N'ayant jamais connu la survie et ayant choisi d’être là, elles contribuent à cette romantisation sans réellement redonner au territoire. » - Véro Lachance

 Points forts : 

Les échanges ont permis de soulever plusieurs aspects importants relatifs à la manière dont le Grand Nord est perçu et vécu. Voici les principales réflexions partagées lors de cette session : 

  • Le privilège francophone et l’accès à la culture du plein air : Véro a mis en lumière l’aspect exclusif de la culture du plein air et des activités comme la vie en cabane, souvent perçues comme un choix plutôt que comme une nécessité. Iel a également abordé la question du privilège lié à l’accès aux équipements coûteux, qui permettent à certaines personnes de s’adonner à des activités qui, pour d’autres, sont réservées à la survie.
  • Romantisation du Nord et exploitation des territoires : la vision du Nord comme un lieu de défi excitant et une échappatoire personnelle se heurte à la réalité des communautés autochtones qui vivent au quotidien avec les impacts de l’exploitation du territoire et de la colonisation. Iel a souligné cette contradiction, où certaines personnes considèrent le territoire comme un terrain de jeu, pendant que d’autres luttent contre la gentrification et la perte de leurs espaces traditionnels, comme cela s’est produit avec les quartiers de Whiskey Flat et Mocassin Flat.
  • La culture de l’expérience authentique et la déconnexion du réel : une réflexion a émergé autour de l’attrait pour une expérience « authentique » du Grand Nord, souvent présentée de manière idéalisée. La tension entre désir de vivre une expérience contrôlée et l’inconfort inhérent à la réalité des communautés locales a été soulignée. Il a été également question de la manière dont les réseaux sociaux contribuent à cette perception : des personnes qui choisissent délibérément des vies plus difficiles et les partagent comme des exploits à surmonter, sans considérer les répercussions pour les communautés qui vivent réellement sur ces territoires.
  • La responsabilité et la réciprocité envers le territoire : Lachance a aussi questionné la relation avec le territoire : « Tu attends beaucoup du territoire, mais toi, qu’est-ce que tu as à donner au territoire? ». Ce retour sur soi-même, loin de l’idée d’un terrain de jeu sans conséquences, invite à réfléchir sur le respect du lieu et des peuples qui en sont les gardiens depuis des générations. 

La personne intervenante a encouragé à réfléchir sur la manière dont les récits écrits sur ces territoires sont souvent produits par des personnes ayant peu d’expérience réelle sur place, et sur le coût émotionnel que cela représente pour les personnes qui sont proches des enjeux. 

Crédit photo: Brian Pelchat

Véro Lachance est la 13e génération d’une immigration majoritairement française et a grandi sur le territoire non-cédé de la Nation Waban-Aki (Sherbrooke, Québec). Son dernier projet de théâtre de création majeur, Dernière frontière, un documentaire-fiction sur la romantisation du Grand Nord, a été présenté au Québec et au Yukon. Véro vie sur le territoire traditionnel du Conseil Ta’an Kwäch’än et de la Première Nation Kwanlin Dün (Whitehorse, Yukon) depuis 2017. Iel collabore sur divers projets artistiques, donne des ateliers de théâtre, enseigne, développe des opportunités pour la scène drag locale et la jeunesse 2SLGBTQ+. 

Quand l’impossible devient possible : leadership inclusif et résilience au service de la francophonie 

François Bernier (il) a conclu la journée en partageant son parcours inspirant en tant que leader inclusif. En mettant en avant la résilience et la nécessité d’une accessibilité accrue dans les milieux professionnels, il a donné des outils concrets pour faire avancer l’ÉDI au quotidien. 

« Je n’aurais jamais pu faire Montréal - New York en fauteuil sans mes amis, je n’aurais jamais survécu mon temps à l’hôpital sans ma famille, je n’aurais jamais eu mon entreprise sans le support de la communauté en ligne. Pour une personne en situation de handicap, la communauté c’est quelque chose de vital. N’ayez pas peur de démontrer votre soutien, d’encourager les efforts de ces personnes et d’oser poser des questions. » - François Bernier

Points forts :

La présentation de François Bernier a mis en lumière des stratégies pratiques pour renforcer l’inclusivité et la résilience dans nos milieux professionnels et communautaires. Son message central : les obstacles, qu'ils soient physiques, culturels ou sociaux, sont des invitations à innover et à co-créer des solutions qui bénéficient à tout le monde. 

Voici quelques concepts-clés qui ont été abordés lors de cette session : 

  • Renforcer le sentiment d’appartenance : créer des espaces où chaque personne se sent valorisé et écouté est primordial pour une inclusion véritable. François Bernier a proposé des stratégies pour garantir que tout le monde, quel que soit son parcours, ait sa place au sein de la communauté. Cela inclut des pratiques comme les cercles de paroles interculturels, la valorisation de chaque membre sur les réseaux sociaux, et la question réflexe « qui n’est pas là? » pour aller chercher ceux qui sont souvent laissés à l’écart.
  • Développer des partenariats inclusifs : la diversité, selon Bernier, est une force qui doit être mobilisée au service des objectifs collectifs. Il a partagé des exemples concrets de projets communs entre francophones, Autochtones et Inuits. Plutôt que d’inviter ces communautés à participer à des événements déjà planifiés, il a encouragé à les impliquer dès le début du processus, à leur poser la question : « Qu'est-ce qu'on pourrait bâtir ensemble? » Un partenariat véritable implique d’aller vers les communautés avec l’intention de co-créer, en intégrant leurs savoirs et leurs pratiques. 

Accroître l’accessibilité : 
François a souligné l’importance de l’accessibilité dans un environnement inclusif. Il a donné plusieurs exemples de mesures concrètes pour éliminer les barrières physiques, culturelles et organisationnelles. Parmi ses suggestions : 

  • Le diagnostic participatif : « voir ce que vous ne voyez pas ». Cela permet d’identifier des obstacles invisibles aux yeux des personnes qui ne les vivent pas quotidiennement.
  • L’offre d’une option hybride pour les événements : Cela permet ainsi aux personnes qui ne peuvent pas être présents physiquement de participer à distance.
  • Le transport communautaire : Cela permet aux personnes qui en ont besoin de se déplacer plus facilement. 

L’importance de la communauté 

François Bernier a souligné que si une personne membre est laissé derrière, c'est toute la communauté qui en souffre. Il a illustré ce principe avec des exemples de jumelage : associer une personne isolée, qu’il s’agisse d’une personne aînée, d’une nouvelle personne arrivante, une personne en situation de handicap ou d’une personne membre d’une communauté autochtone ou autres personnes vulnérables.

Valorisation des réussites 

François a également évoqué l’importance de mettre en lumière les réussites individuelles des personnes membres de communautés marginalisées. Il a proposé la création d’une vitrine numérique des talents, pour valoriser les parcours de ceux qui réussissent à briser les barrières et à inspirer les autres. Cette vitrine pourrait prendre la forme d’une page Facebook ou d’une section sur un site Web, où les histoires de réussites seraient partagées, inspirant ainsi les jeunes à repousser leurs propres limites. 

François Bernier a conclu sa présentation par un message fort : 

« Chaque obstacle est une invitation à innover. » 

François Bernier a bâti sa marque personnelle et professionnelle sur des valeurs fondamentales comme l’intégrité, la collaboration et l’esprit d’équipe. Son handicap, une condition physique complexe, a forgé une détermination exceptionnelle qui lui a permis d’accomplir des études supérieures en stratégie d’affaires à HEC Montréal. Gestionnaire et cofondateur d'Horizon B2B, François et son équipe accompagnent les entreprises du Québec, du Canada et des États-Unis pour développer des relations d’affaires authentiques et transformatrices. Également militant engagé pour l’accessibilité universelle, il a organisé une manifestation pour sensibiliser les décideurs et encourager des actions concrètes pour rendre les infrastructures et services accessibles à tout le monde. Il accompagne aussi les organisations dans leurs efforts pour embaucher de manière inclusive et intégrer efficacement des talents issus de la diversité.